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La Vie criminelle d'Archibald de la Cruz est un film mexicain réalisé par Luis Buñuel, sorti en 1955.

Analyse

Dans sa chambre d’hôpital, le riche Archibald de la Cruz raconte son enfance à une nonne. Nous sommes pendant la révolution mexicaine. Archibald, alors qu'il était tout enfant, a vécu une bien étrange aventure : sa jeune et jolie gouvernante lui avait raconté que la boîte à musique offerte par sa mère avait le pouvoir extraordinaire de donner la mort à celui ou à celle dont on souhaitait se débarrasser. Par jeu, Archibald avait pensé très fort à la mort de la gouvernante et celle-ci s'était immédiatement effondrée, abattue par la balle perdue d'un révolutionnaire. Il avait alors connu son premier émoi sexuel devant le délicieux cadavre de la jeune gouvernante, la robe remontée très haut sur de magnifiques jambes.

La nonne refuse d’en entendre d’avantage. Archibald lui rétorque qu’il va la tuer et sort un rasoir. Elle s’enfuit et se tue en tombant dans la cage d’ascenseur. Archibald se rend alors chez un magistrat pour s’accuser du crime et lui fait le récit de son existence. Devant le juge chargé de l'enquête, Archibald s'accuse du crime et raconte comment il a décidé de tuer toutes les femmes qu'il a rencontrées depuis quelques semaines, depuis qu'il a retrouvé la fameuse boite à musique de son enfance dans un magasin d'antiquité. Rentré chez lui, il se coupe au visage en se rasant. La vue du sang lui rappelle aussitôt la mort de sa nurse et il éprouve un impérieux besoin de tuer. Le soir même, il observe un couple de sa connaissance dans une salle de jeux. L’homme et la femmese disputent. Elle part seule et a un accident de voiture sans gravité. Archibald propose de la reconduire, mais il passe d’abord prendre un rasoir chez lui. Une fois dans la demeure de la femme, il s’apprête à mettre son crime à exécution. Mais le mari revient et se réconcilie avec son épouse. Dépité, Archibald s’en va. Le lendemain matin, il apprend que le couple de la veille s’est à nouveau disputé et que la femme s’est suicidée en se tranchant la gorge.

Plus tard, dans un cabaret à la mode, il retrouve Lavinia, la femme qui avait failli acheter sa boîte à musique et cherche à la séduire. Archibald se rend au lieu du rendez-vous qu’elle lui a fixé et constate que la jeune femme n’est là que sous la forme d’un mannequin de cire. Apprenant qu’elle pose régulièrement pour la confection de ces mannequins, il se rend à l’atelier de cire, la voit et la convie chez lui. Elle vient et découvre qu’il a acheté son mannequin. Elle ignore qu’il a le dessein de la tuer, puis de l’incinérer dans son four à céramique. Archibald se prépare à passer à l’acte, mais la jeune femme s’est moquée de lui. Elle a donné rendez-vous dans la maison à un groupe de touristes dont elle a la charge. Fou de rage, Archibald brûle le mannequin.

Puis il se décide à épouser une jeune femme, Carlotta, afin de guérir de ses obsessions. Carlotta, qu'il croyait pure jusqu'à ce que, la veille de son mariage, son amant lui révèle la duplicité de sa future femme. Il conçoit de la tuer lors de sa nuit de noces. Mais le jour de son mariage c'est l'amant qui abat Carlotta d'un coup de revolver. C'est alors qu'Archibald est interné dans la maison de repos où il conçoit son dernier crime sur la religieuse.

Découvrant qu’elle a un amant, il se prépare à assassiner la jeune femme au cours de la nuit de noces. Il n’en a pas le temps. Elle est tuée à coups de revolver par son amant. Archibald fait une dépression nerveuse. Il se retrouve à l’hôpital, où la nonne est morte par sa faute.

Le magistrat, après avoir écouté ces aveux, déclare qu’on ne peut arrêter tous les gens qui ont envie de tuer quelqu’un, l'envie de meurtre ne pouvant constituer un délit. Par une belle journée de printemps, Archibald sort donc de chez le juge guéri de son obsession. Il jette la boîte à musique dans le lac d'un parc… et rencontre immédiatement la belle Lavinia dont il est toujours amoureux et qui trouve en lui l'homme idéal : riche, beau, noble et pas trop jaloux.

Ce film est un savoureux chef-d’œuvre d’humour noir; Luis Buñuel observe son obsédé avec une précision scientifique et décrit méthodiquement chaque phase de sa névrose. Le film entier évolue selon un processus quasi mécanique d’une grande sophistication, tout en restant distancié et violemment pince-sans-rire.

Cette œuvre qui scrute la pulsion de meurtre d’un homme est aussi une réflexion caustique sur l’impuissance sexuelle et une satire féroce de la grande bourgeoisie mexicaine. D’ailleurs, derrière chaque victime se cache un emblème aisément identifiable : la nurse (l’éducation), la nonne (la religion), la femme riche et désœuvrée (la bourgeoisie) et la fausse vierge cherchant un bon mariage (l’hypocrisie). Seule la femme qui travaille pour subvenir à ses besoins, et assure ainsi son indépendance, peut se sauver. Elle travaille avec son esprit comme guide pour touriste et son corps comme modèle pour mannequins de cire. Elle sait mettre en scène les situations et fait preuve d’une certaine liberté sexuelle.

Derrière l’évidente farce qu’est la Vie criminelle d’Archibald de la Cruz est énoncée une célébration de la liberté individuelle, dont Buñuel semble nous dire qu’elle n’est accessible qu’à la condition préalable de savoir où commence le rêve et où finit la réalité. Le problème d’Archibald, dont les désirs de meurtre ne sont que des enfantillages, étant d’ignorer l’existence de cette frontière.

La boîte à musique sert de révélateur à un trouble plus puissant qu'au supposé pouvoir magique de tuer. Le traumatisme d'Archibald est d'associer l'amour à la mort ou plutôt au goût du sang. La boîte à musique retrouvée dans le magasin sert de révélateur au trouble : Archibald se souvient bien, cette fois, du sang qui se répand le long des jambes de la gouvernante et associe ce goût du sang au désir sexuel. Cette association le persuade qu'il est démoniaque. C'est pour cette raison qu'il souhaite épouser Carlotta qu'il croit pure depuis qu'il l'a vu prier dans la chapelle personnelle de sa maison. Ainsi, comme souvent chez Bunuel, un goût excessif de la pureté conduit aux pires crimes.

Bien entendu les plans les plus marquants du film sont ceux où la perversité d'Archibald sont à l'œuvre : le souvenir adulte de la mort de la gouvernante avec le sang qui inonde l'écran est bien plus fort que la première narration de l'effet de la boite à musique. Le plan sur les jambes de Patricia lorsqu'elle monte dans la voiture et qui décide de son exécution, puis celui du visage de Lavinia, vu aux travers des flammes, puis celui du mannequin de cire se décomposant dans le four ainsi que la séquence Carlotta assassinée en rêve lors de sa nuit de noces sont parmi les plus marquants de l'œuvre de Bunuel.

Amusant et inquiétant, la Vie criminelle d’Archibald de la Cruz est le plus surréaliste des films de Luis Buñuel depuis l’Âge d’or, mais ce surréalisme réside plus dans l’esprit que dans la forme. En effet, cette dernière est très sobre, ce qui offre un étrange et humoristique contrepoint à la démence et aux manies du héros.

Distribution

  • Ernesto Alonso :Archibald de la Cruz
  • Miroslava Stern :Lavinia
  • Rita Macedo :Patricia Terrazas
  • Ariadna Welter :Carlota Cervantes
  • Eva Calvo :La mère d'Archibald
  • Enrique Díaz :Le père d'Archibald
  • Carlos Riquelme :Le commissaire
  • Chabela Durán :Soeur Trinidad

Fiche technique

  • Titre original : Ensayo de un crimen
  • Réalisation : Luis Buñuel
  • Scénario : Luis Buñuel, Eduardo Ugarte, Rodolfo Usigli
  • Musique originale : Jorge Pérez
  • Image : Agustín Jiménez
  • Pays d'origine : Mexique
  • Format : Noir et blanc
  • Durée : 89 minutes
  • Date de sortie : 19 mai 1955 (Mexique), 25 septembre 1957 (France)
Reproduction possible des textes sans altération, ni usage commercial avec mention de l'origine. .88x31.png Credit auteur : Ann.Ledoux